





En attente du départ de la glace
série photographique
"Toute vraie photographie exige une accommodation du regard. Avec les photographies de Liis Lillo, c'est du blanc le plus intense que surgit ce secret. Prise dans la glace, la figure s'estompait, attendant qu'avec le temps s’identifie ce qui, là, exigeait du regard, demandait à surgir, à "monter", terme sensible à toutes les personnes qui développent leurs propres photographies. Là, dans cet imperceptible se devine une figure qui danse, qui demande à se métamorphoser comme chrysalide en ses limbes. Alors, à qui sait attendre, monte le sentiment d'une renaissance, d'une vie potentielle, d'une libération de la focale qui redonne un espace à appréhender, à vivre potentiellement.
Le mystère de la captation est là, fait de cette rétraction de l'œil sur l'objet invisible, le sujet de la photographie, et sa progressive libération, ouverture à l'espace dans le battement renouvelé du regard qui suscite une véritable libération progressive de l'espace à habiter, sa renaissance. Ainsi, sans emphase, sans même avoir l'air d'y toucher, renaît le sens de l'espace, d'un espace à protéger, à réapprendre. Et le blanc de la vision devient espace tactile, dont la tendre compacité est figure de la fragilité d'un monde qui demande à réapparaître pour qui sait en attendre la métamorphose à venir, tectonique des plaques glaciaires renouvelée, interrogeant notre façon d'habiter le monde pour qu'il nous reste ce monde avec qui nous ne faisons qu'un, si du moins, nous acceptons encore de comprendre que nous ne faisons qu'un avec lui. Aux limites de l'être, sans mots, il apparaît. Toute glaciation appelle ce dégel qui nous rend à la conscience de ce monde qui nous fait être, indissolublement porteurs de la mémoire de ce qui nous a fait être."
Didier Samson

vue d’exposition collective dans le cadre de Journées Portes ouvertes, isdaT, 2023
